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Amplificateur pour guitare à tubes

    Première tentative (finalement réussie) de construction d’un amplificateur à tubes de ma part, après avoir voulu – naïf que j’étais à l’époque – échapper au son terrible des amplis pour guitare à transistors avec une création entièrement gossée à la maison avec des tubes à vide (élément électronique dont l’heure de gloire est passée depuis un bon 40 ans).

    L’histoire (comment du pourquoi)

    Février 2004, école Curé-Antoine-Labelle à Laval. Le guitariste en manque de public que je suis décide de monter sur les planches dans le cadre des auditions pour le spectacle amateur en chantant, accompagné par sa Yamaha Pacifica (pas mal morte depuis), la chanson «Mon Chum Rémi» des Cowboys Fringants devant une foule en délire (dans mon imagination, disons…) massée dans la moitié de cafétéria où se situe le semblant de scène où je dois performer. L’équipe technique branche ma guitare sur un ampli Marshall à tubes et je fais à ce moment la découverte qui va changer ma vie : «Wow, maudit que ca sonne bien cet ampli-là ! J’en veux un !»

    Seul problème à l’horizon : dans mon coin de pays, la tête seule (soit un ampli pas de haut-parleur, si vous préférez) se détaille aux alentours de 1500$. Autant dire que je dois trouver une autre solution pour rocker joyeusement dans mon sous-sol avec un amplificateur à tubes…

    3 mois plus tard, je tombe sur un ampli de guitare fait à partir des éléments d’une vieille télé (donc à tubes, vous aurez compris) assemblé par – ô avantage – un autre étudiant du même programme d’études que moi et qui sonne relativement bien (le Davidoo 2000, pour les intimes). Je demande au principal intéressé le schéma du circuit et je secoue la tête de désespoir : j’ai de la difficulté à souder deux fils ensemble sans brûler la moitié de mon stock de plomb dans la tentative, alors assembler un ampli complet…

    Je mets le projet sur le «Hold» en attendant d’avoir plus de connaissances sur le sujet.

    «Électronique Industrielle» : tiens, ça a l’air intéressant, ça ! Inscrivez-vous, qu’ils disaient…

    Un an et un Jean-Maurice Boissard plus tard

    1 an a passé depuis que j’ai découvert les amplis à tubes. Je sais maintenant comment souder comme il se doit, mais mes connaissances en traitement du son se limitent aux amplificateurs opérationnels (des circuits intégrés, donc bien loin des tubes à vide). Alors que je discute avec Jean-Maurice Boissard, mon prof d’automatismes, la conversation glisse soudain sur les systèmes de son de qualité, donc nécessairement sur le sujet qui m’intéresse ! Mon projet refait surface et, quelques jours après, je décide de prendre le taureau par les cornes et de chercher sur Internet pour un schéma d’ampli qui doit être le plus simple à faire possible. Comme beaucoup d’aficionados de vieux son, je craque instantanément pour le classique Fender Champ, qui possède trois avantages visibles : le nombre de tubes qu’ils contient. Mon seul problème est sa puissance de sortie : un mince 7 W, ce qui est nettement insuffisant pour se prendre pour un vrai rocker comme je l’espère !

    Jean-Maurice vient à ma rescousse en mettant à profit la force de Copernic pour me trouver un étage de sortie plus conséquent. Je suis initié au Push-Pull avec un circuit Dynaco «de haute qualité destiné à améliorer la qualité des amplis commerciaux» qui porte à 5 le nombre de tubes, mais qui promet minimalement le double de puissance de sortie. Ce faisant, je trouve aussi mon détaillant de pièces, Triode Electronics, le seul qui offre encore le transformateur de sortie requis (ou du moins son équivalent moderne), le Dynaco A410 (qui devient le Dynaclone Z565-48 en 2005).

    Au moyen d’un logiciel de dessin électrique passablement dépassé (Electronics Workbench), je fusionne les deux schémas et j’imprime le tout, prêt à commencer la construction.

    Première tentative

    Jean-Maurice m’initie aussi au travail de la tôle après que nous ayons constaté que le chassis commercial que j’avais choisi ne convenait pas. Le premier boîtier en est un véritablement infect à mon avis, puisque je ne saisis pas encore les enjeux spécifiques aux amplis à tubes, où de la haute-tension alternative côtoie (ou plutôt ne doit pas côtoyer dans la mesure du possible) le signal audio qui lui se mesure en milliVolts, au risque d’induire beaucoup de parasites dans le son.

    Schéma de l'étage de sortie Dynaco

    Schéma de l’étage de sortie Dynaco

    Je dispose donc les supports des tubes en me basant uniquement sur l’esthétique, ce qui a le malheur de placer ma lampe-diode 5Y3 beaucoup trop près de mon étage de pré-amplification. Je ne me risque même pas à câbler la moindre portion du circuit et passe à la

    Deuxième tentative

    Je décide cette fois de laisser tomber le classique châssis rectangulaire au profit d’un modèle en forme de L de manière à placer les tubes bien en vue sur le devant. La construction s’avère un peu difficile en raison de l’angle intérieur à former, mais le tout s’avère néanmoins bien d’équerre, à ma grande surprise. Je suis sur ma lancée ! Pendant 2 jours, je câble inlassablement, le tout sans tester, évidemment, puisque Jean-Maurice part incessamment en voyage dans sa France natale, m’imposant une échéance des plus restreintes. Le résultat est tellement précaire que j’hésite à y mettre le 120 Volts et le projet retombe au point mort pour 3 mois.

    Troisième tentative

    L’ampli inachevé qui trône à présent dans un coin de la pièce stimule soudainement mon imagination et je tente de trouver un moyen de le rendre plus esthétique et, pour une fois, fonctionnel une fois pour toutes ! Exit le châssis tout en tôle, je m’inspire du design de l’omniscient JSN du site Boozhound Labs, qui, ironie du sort, utilise lui aussi 2 6V6 (une par canal, puisqu’il semble être un fanatique du «single-ended»), une 5Y3 et… Les similitudes s’arrêtent ici ! Son idée, fort simple, est de tout monter en surface sur une plaque de tôle et de déposer le tout sur une jolie boîte en bois. Comme l’enceinte acoustique que je prévois utiliser comporte une assez grande superficie pour assembler un ampli au sommet, je n’hésite pas à recourir à cette méthode en me taillant une pièce d’acier respectable au Cégep et en machinant le tout un vendredi soir.

    Détail du fini particulier de la peinture

    Détail du fini particulier de la peinture

    Au moment de passer au département peinture (à l’extérieur dans le gazon), catastrophe ! Le vent qui se lève pousse des brindilles sur le fini et endommage la peinture fraîche. Dans un brouillard, je me dis que je n’ai qu’à rincer la plaque à l’eau et recommencer. Peinture en aérosol à l’huile et eau du robinet : vous voyez le genre ? L’apparence de la peinture ressemble maintenant à celle d’une goutte d’étain fondu (fil de soudure) qui tombe sur le bureau, mais qui mesure cette fois près de 140 pouces carrés ! Étain fondu = Melt Tin dans la langue de Shakespeare (Molten Tin, en fait, mais pour la cause…) et il n’en suffit pas plus pour me faire accoucher du jeu de mots qui baptisera mon futur ampli !

    Plaisir en haute-tension (Messing with H/V)

    Le (ré)assemblage de l’alimentation est l’affaire d’une soirée. Suspense ! Je suis sur le point de dépasser le niveau où tout s’était arrêté il y a 3 mois par crainte de voir des électrolytiques (type de condensateur) de 475 Volts m’exploser au visage. L’instant est solonnel. Je bascule l’interrupteur d’alimentation, puis laisse le filament de la 5Y3 amorcer l’effet thermionique (yé, un terme technique !). J’attends un bon 5 minutes avant de réaliser que la lampe-diode n’a pas survécu au voyage du Cégep à mon atelier. Je bricole un substitut avec deux diodes conventionnelles 1N4007 et un vieux relais à base octale et recommence mon test. La tension CC monte lentement. Trop lentement ? Je prends cela pour un mauvais présage, mais je me rassure en voyant qu’elle culmine finalement à près de 450 Volts. Plus tard, je raisonne que le temps supplémentaire de chargement des électrolytiques était dû au fait qu’ils étaient neufs, donc devaient au préalable se former complètement avant d’être opérationnels. Ce test m’ayant causé trop d’émotions, je décide d’attendre au lendemain pour assembler les étages de traitement audio à proprement parler.

    Onde carrée au menu

    Le lendemain, je mets en place les circuits d’amplification à toute vitesse car je dois quitter aux alentours de 15h pour aller travailler. Étant donné que je ne possède pas encore de notion d’esthétisme en matière de câblage (que j’apprendrai pour la peine un an plus tard), le tout est réalisé au petit bonheur et est un véritable fouillis de composantes et de fils bien trop longs pour être acceptables dans un tel ampli. Jugez plutôt :

    Cablage

    14h30, j’applique le jus pour la première fois sur les tubes et y branche une guitare pour faire bonne mesure, en l’occurence la désormais célèbre Pacifica, qui est maintenant à moitié dotée de «pick-ups» Fender Stratocaster (à moitié car un seul des trois est relié, et ce directement au connecteur de sortie avec deux fils #16…) Oublions donc toute possibilité de contrôler le volume du son de la guitare ! J’en suis donc résolu à me servir du potentiomètre de volume de l’ampli comme seul contrôle, en supposant bien sûr que les trois étages de traitement acceptent de collaborer entre-eux, ce qui n’est pas le cas… Le son qui sort du haut-parleur est tout sauf agréable et possède un niveau de distorsion très élevé même à faible volume. De toute évidence, quelque chose cloche ! Je branche ma basse (mon seul autre instrument électrique du moment) et essaie de trouver un réglage du volume adéquat pour ne pas m’arracher les oreilles. Malheureusement, le temps me manque et je dois partir. Partie remise pour les réglages fins, donc !

    Retour au Cégep

    Je profite du fait que le Cégep est mieux équipé en terme d’oscilloscopes et de générateurs de fonctions (les français vous diront plutôt «Générateur B.F.», mais ici au Québec je m’en tiens à «Générateur de Fonctions» !) que moi pour essayer d’y voir plus clair quant à la cause de la distorsion excessive qui me fait regretter de ne pas avoir acheté un véritable ampli Marshall, qui possède une certaine plage de sonorité claire (sous-utilisée, puisque le Marshall est souvent utilisé pour de la musique «métal», donc en mode distorsion, mais ça, c’est une autre histoire).

    Détail des tubes de préampli et du diviseur de tension

    Détail des tubes de préampli et du diviseur de tension

    En injectant une onde sinusoïdale de 0.1 Volt efficace (le niveau approximatif de la sortie d’une guitare), je me rends vite compte que le préampli fonctionne parfaitement, mais que tout se gâte inexplicablement à l’étage déphaseur. En déplaçant le point d’injection de mon pseudo signal audio à l’entrée dudit étage fautif, je découvre que le circuit de Dynaco est conçu pour un niveau d’entrée de 1 Volt maximum (le niveau de ligne standard en interconnectique RCA), alors que mon préampli sort un confortable 2.5 Volts. J’essaie d’abaisser la tension qui est appliquée sur la grille de la première triode du déphaseur avec un banal diviseur de potentiel résistif. Comme je sais que les tubes ne peuvent fournir que quelques milliAmpères, je décide de jouer la carte de la sécurité en optant pour une résistance totale de 5 MégOhms (4 MégOhms en série avec 1 MegOhm) après expérimentations. Je ne sais pas encore qu’il y a une certaine corrélation entre la valeur du condensateur de découplage de la triode amont et la résistance de grille de la lampe suivante, donc je m’étonne qu’il me faille un rapport de 4:1 entre les résistances pour obtenir une réduction effective de 2.5:1…

    Finalement, sur un écran d’oscilloscope, tout semble parfait. Reste à passer le test d’écoute sur le haut-parleur !

    Première écoute

    Je profite des portes ouvertes du Cégep à l’intention des nouveaux étudiants pour assembler le haut-parleur (qui avait été remplacé par une résistance de puissance de 8 Ohms pour les tests sur l’oscilloscope – ne jamais utiliser un ampli sans haut-parleur !) et ainsi entendre le vrai son des lampes. Premier point négatif : le gain élevé de l’ampli provoque une vive oscillation Larsen quand la guitare est trop près du haut-parleur. Comme je dois faire la navette entre le rez-de-chaussée et le département de Génie Électrique (3 étages au bas mot) en ma qualité de guide, j’empêche tout problème futur en déposant un morceau de tôle sur les cordes de ma Pacifica !

    Commentaires en vrac

    *  Jean-Maurice semble aimer relativement le son, même s’il est un habitué des amplis Hi-Fi («Ça sonne tubes, quoi !»).
    * Un guitariste de métal qui visite le département trouve que mon ampli a une sonorité «artisanale».
    * Le grand Ben Girard (voir cette chanson et celle-ci pour plus de détails) trippe à fond sur la sonorité «vintage» et me déclare : «Même si ton ampli avait sonné 10 fois moins bien que ça, je trouverais pareil que t’as fait une très bonne job !» (ou quelque chose du genre dit avec son style particulier). Merci ben mon Ben !

    Idées d’amélioration

    *  Modifier le gain du pré-ampli pour que sa tension de sortie soit adéquate sans diviseur de tension
    * Faire un câblage plus étudié
    * Utiliser un véritable haut-parleur pour guitare au lieu d’un Woofer (haut-parleur de graves) standard
    * Utiliser des résistances Métal Film au lieu du type au carbone

    Source: logiquefloue.ca | CC

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